Vers une transformation matricielle du droit européen à l’heure du Green Deal ?
Sciences Po Rennes 14-15 septembre 2023
Projet scientifique
La construction européenne a historiquement reposé sur la mise en place d’un marché unique, puis d’un marché intérieur, objectif qui a longtemps constitué le catalyseur et le moteur de la production du droit de l’Union. Cette logique marchande, consubstantielle au projet communautaire, a ensuite été complétée par d’autres considérations non économiques qui ont été à l’origine d’une production normative corrigeant les impensés initiaux de la construction européenne, en particulier dans le domaine environnemental. La dimension marchande du projet européen aurait ainsi été de longue date dépassée par le jeu des mécanismes d’intégration et l’extension progressive des compétences de l’Union.
Cette dernière appréciation peut-elle-même être nuancée. La raison d’être des règles non strictement commerciales tient sans doute en grande partie à la nécessaire préservation du marché, qui appelle en tout état de cause l’intervention du régulateur, une l’harmonisation des règles applicables aux acteurs économiques et une prise en considération des externalités. La mise en place de règles communes en matière d’environnement s’explique en partie par le risque d’une prolifération de mesures nationales susceptibles de remettre en cause le bon fonctionnement du marché intérieur. Nombre de propositions législatives actuelles de la Commission demeurent ainsi justifiées par la nécessaire préservation du marché intérieur et l’élaboration, à cet effet, de règles uniformes destinées à éviter tout phénomène de forum shopping et de mise en concurrence de législations nationales divergentes (v. à titre d’exemple l’actuelle proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, COM(2022) 71 final).
Ce postulat mérite d’être questionnée à l’heure de la mise en place du pacte vert pour l’Europe (ou Green deal européen). Ce projet annoncé en 2019 par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen peut s’analyser comme la justification d’une nouvelle dynamique dans la production normative du droit de l’Union et participe à un projet politique de relance de l’intégration européenne. De fait, un nombre sans précédent de législations destinées à servir les objectifs du Green deal ont été proposées ces dernières années par la Commission. Cela se vérifie en particulier dans le domaine climatique, qui sert d’impulsion à une pluralité de textes susceptibles d’avoir un effet important sur le fonctionnement du marché commun et des relations commerciales de l’Union (révision du système d’échange de quota d’émission, mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union). Pour autant, et de façon paradoxale, ce sont bien souvent des instruments de droit économique qui constituent le principal vecteur de cette promotion de considérations environnementales, et dans bien des cas des outils qui continuent de s’appuyer sur une logique marchande. Ce mode de gouvernance rend par ailleurs délicate la pleine intégration de certaines considérations environnementales – en particulier la défense de la biodiversité – dans les récentes propositions formulées au titre du pacte vert.
L’objectif de ce colloque, qui se tiendra à Rennes les14 & 15 septembre 2023, sera d’appréhender à travers un premier bilan des effets normatifs du Green deal, cette possible transformation opérée dans la dynamique du droit européen, et d’apprécier les effets et la portée du « verdissement » du droit de l’Union et en particulier de son droit du marché intérieur. Le colloque permettra de croiser les regards et les approches du droit européen, en réunissant les spécialistes du droit de l’Union et du droit de l’environnement. Il fera l’objet d’une publication sous forme d’ouvrage collectif.
Orientations de l’appel à contribution
Quel bilan tirer de verdissement des règles du droit de l’Union ? Le Pacte vert pour l’Europe est-il le nouveau moteur de l’intégration européenne ? Peut-on parler d’une rupture ou d’une nouvelle étape dans le développement du droit européen de l’environnement et sa relation avec les règles du marché intérieur ? Quels sont les effets du Green Deal européen sur la production du droit de l’Union ? Quels sont les éléments de rupture et de continuité dans le contenu du droit européen depuis la mise en place du Pacte vert ? Le marché est-il en passe de devenir, plutôt qu’une fin en soi, un levier au service de la protection des ambitions environnementales de l’Union ? Quelle est la perception du pacte vert pour l’Europe par les acteurs de la société civile, les parties intéressés et les partenaires de l’Union ? Quelles relations entre le Green deal européen et le concept d’autonomie stratégique ? L’ambition environnementale ne serait-elle pas condamnée et prisonnière de cette approche marchande, qui l’instrumentaliserait au profit d’une simple logique de concurrence équitable et de compétitivité ?
Plusieurs champs du droit économique de l’Union européenne pourront être pris en
considération telles que :
- Le droit du marché intérieur
- La politique agricole commune
- La politique commerciale de l’Union européenne
- La politique de concurrence
- Le droit européen du numérique
- Le droit de l’union économique et monétaire
- Les instruments budgétaires et financiers de l’Union européenne
Le colloque permettra également de s’interroger sur les effets institutionnels du Green Deal européen et en particulier sur la prise en considération de ce dernier dans la prise de décision ainsi que son impact, éventuel, sur les équilibres institutionnels.
Modalités d’envoi des propositions
Les propositions peuvent être envoyées jusqu’au 16 avril 2023 aux adresses suivantes et avec la mention « COLLOQUE GREEN DEAL ET MARCHE SCIENCES PO RENNES » dans l’intitulé du message : alan.herve@sciencespo-rennes.fr et gael.hily@sciencespo-rennes.fr
Porteur scientifique du projet : Alan Hervé, professeur à Sciences Po Rennes
(alan.herve@sciencespo-rennes.fr)
Contact administratif : Gaël Hily, Sciences Po Rennes, chargé du développement de la
recherche (gael.hily@sciencespo-rennes.fr)
Laboratoire de rattachement : IODE (UMR CNRS 6262) & ARENES (UMR CNRS 6051)
Lieu du colloque : Sciences Po Rennes, 104 boulevard de la Duchesse Anne, 35700 Rennes
Comité scientifique
- ALAN HERVE, Professeur à Sciences Po Rennes, Chaire Jean Monnet, membre de l’IODE
- NATHALIE HERVE-FOURNEREAU, Directrice de recherche CNRS, Directrice-adjointe de l’Ecole doctorale Droit et Sciences Politiques, Présidente du Conseil scientifique du LabEx DRIIHM, membre de l’IODE
- PHILIPPE MADDALON, Professeur à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, membre de l’Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES)
- ALEXANDRA LANGLAIS-HESSE, Directrice de recherche CNRS – HDR, Université de Rennes 1, membre de l’IODE
- MARION LEMOINE-SCHONNE, Chargée de recherche CNRS, Membre du haut conseil breton pour le climat, Université de Rennes 1, membre de l’IODE
- NICOLAS PIGEON, Maître de conférences en droit public à l’Institut de la paix et du développement (Université Côte d’Azur) – Laboratoire de droit international et européen