Pauline Abadie
Maître de conférences en droit privé
Université Paris Saclay
Août-Septembre 2022
Pilier du plan d’action sur la finance durable sur lequel repose une partie du financement du Pacte Vert européen, le règlement taxonomie est présenté comme un exercice de définition de ce qu’est une activité économique durable aux fins d’attirer les flux de capitaux privés indispensables à la satisfaction des engagements de l’Union pris à la COP21 à Paris. Pourtant, au vu des âpres négociations dont ses actes délégués font l’objet, il est loin d’être une grammaire neutre visant à lutter contre l’écoblanchiment. Les extrêmes tensions autour de l’inclusion de l’énergie nucléaire et du gaz fossile dans l’acte délégué complémentaire sur le climat en témoignent. Tandis que des ONG ont d’ores et déjà formulé des demandes de réexamen interne et des États annoncé qu’ils saisiraient la Cour de justice, la présente étude porte un regard critique sur la qualification d’« activité de transition » retenue par la Commission et sur son respect des exigences relatives à la confection des critères d’examen techniques.
1 – Qui financera la transition écologique ? Après de nombreuses et âpres négociations, le 3e volet du 6e rapport du GIEC sur le réchauffement climatique, le plus politique puisqu’il propose des solutions pour le ralentir, est paru le 4 avril 2022. Parmi les recommandations figure en bonne place la nécessité d’investir, d’ici 2030, trois à six fois plus dans la transition écologique pour limiter le réchauffement à moins de 2°C1. Mais qui doit investir ? Les entreprises privées ? Les États ? Les banques centrales ? Côté financements publics, la Commission européenne s’est engagée à mobiliser 1 000 milliards d’euros d’investissements sur 10 ans pour financer son Pacte Vert2. Côté entreprises privées, la question renvoie à leurs modes de financements lesquels reposent, en Europe, pour les deux-tiers sur les banques commerciales et pour le tiers restant sur les marchés financiers3. Les secteurs bancaire et financier sont-ils prêts à soutenir les entreprises engagées dans la transition écologique, et à se désinvestir des plus carbonées ? Depuis l’annonce de la Commission en 2018 d’un plan d’action pour financer la croissance verte4, ces deux secteurs font l’objet de réformes importantes visant à accroître leurs engagements en faveur d’une économie européenne plus durable. À côté du plan d’action et de la feuille de route de la Banque centrale européenne5, que d’aucuns jugent trop timide6, puis de la publication en janvier de sa première série de stress tests auprès des banques privées visant à ce qu’elles mesurent leur exposition aux risques climatiques7, la première pierre, la plus significative, a été posée dans le secteur de la finance par l’adoption en 2020 d’un règlement cadre dénommé « taxonomie »8, complété au fil de l’eau par des actes délégués, visant à établir un système européen de classification unifié des activités durables aux fins de déterminer ce qu’est un investissement durable.
2 – Bien que l’entreprise ait été favorablement accueillie, son élaboration a donné lieu à de fortes crispations lorsque, contre l’avis de son propre groupe d’experts9, la Commission a adopté le 9 mars dernier le second volet d’un projet d’acte délégué10 incluant l’énergie nucléaire et le gaz fossile comme activité durable, et donc susceptibles d’attirer d’importants financements. Et de fait, il est rare qu’un acte juridique européen, défini par les traités comme non-législatif et portant sur des éléments non-essentiels d’une législation cadre11, et de nature aussi technique et détaillée, ait fait les gros titres plusieurs semaines durant des grands quotidiens nationaux et internationaux, ait suscité autant de pressions lobbistiques et divisé autant les États.
3 – Peut-être est-ce parce que le nucléaire et le gaz fossile impliqueraient un véritable débat démocratique et, pour sortir de l’impasse, des décisions labourées par de saines coalitions politiques qui les auraient rendues unanimes… Mais au lieu de cela, les débats sur le nucléaire et le gaz fossile « énergies de transition ? » se sont immiscés dans un texte destiné à la finance de marché, un peu comme si toute la stratégie de l’Europe en matière de transition écologique dépendait de cette entreprise de classification. La question du choix des moyens permettant d’atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050 et de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, auxquels s’est engagée la Commission européenne, soulève des enjeux aussi passionnants que cruciaux. Mais alors que sur le plan politique, l’adoption de cet acte complémentaire par le Conseil et le Parlement ne fait guère de doute, dans une perspective plus juridique, la validité de l’inclusion de l’énergie nucléaire et du gaz fossile interroge. Tandis que des ONG ont d’ores et déjà formulé des demandes de réexamen interne12 et des États annoncé qu’ils saisiraient la Cour de justice13, on pressent dès à présent que deux types d’arguments seront opposés. Un premier, d’ordre substantiel, contestera l’inclusion du nucléaire et du gaz fossile au regard des dispositions du règlement taxonomie lui-même et plus généralement des législations auxquelles il renvoie. Un second, d’ordre institutionnel, opposera la compétence de la Commission au regard de l’encadrement de la délégation consentie par le législateur dans l’acte de base et tel que prévu par le traité14. Sans préjudice du bien-fondé de ce second type d’arguments, c’est à une appréciation de la qualification de l’énergie nucléaire et du gaz fossile en tant qu’activité de transition mais aussi du respect des exigences relatives à la confection des critères d’examen techniques, et donc à une appréciation de la conformité de l’acte délégué complémentaire aux dispositions du règlement taxonomie lui-même, que se livre la présente analyse. Mais avant cela, et pour bien cerner ceux qu’il oblige, ce à quoi il oblige, et donc ce qu’il est, encore convient-il de présenter le dispositif de la taxonomie « verte » en tant qu’exercice de légistique on ne peut plus bruxellois ».
1 La taxonomie : un dispositif de classification structurant
4 – Qu’est-ce donc que la taxonomie ? – Pour réorienter les flux de capitaux vers les objectifs de lutte contre les changements climatiques, comme le prévoit l’article 2 de l’accord de Paris, la Commission a annoncé en mars 2018 dans son plan d’action « financer la croissance durable » vouloir consolider le champ émergeant mais grandissant de la finance durable. Pour ce faire, la première étape, la plus structurante, a consisté à offrir une grammaire commune aux acteurs de la finance et aux entreprises d’une certaine taille dans un but explicite de mettre fin aux pratiques répandues d’éco-blanchiment. C’est l’œuvre de la taxonomie.
5 – Les conditions de l’alignement. – Le cœur du dispositif énoncé dans le règlement du 18 juin 2020 repose sur la classification, et donc la définition, d’une activité économique dite « durable » afin de déterminer le degré de durabilité d’un investissement. Une activité est considérée comme durable ou alignée lorsqu’elle remplit quatre conditions cumulatives. Elle doit, premièrement, contribuer substantiellement (CS) à au moins un des six objectifs de protection de l’environnement énumérés à l’article 9 du règlement. Elle ne doit, deuxièmement, causer de préjudice important (Do No Significant Harm ou DNSH) à aucun de ces six objectifs, comme il ressort de l’article 17. L’activité doit, troisièmement, respecter certaines garanties minimales dans le domaine des droits sociaux et humains, ainsi que le prévoit l’article 18 du règlement. Et, enfin, elle doit, quatrièmement, être menée en conformité avec les critères d’examen technique adoptés par la Commission, lesquels suivent une méthodologie décrite à l’article 19. Ces critères déterminent pour chaque activité les conditions dans lesquelles une contribution substantielle est apportée et dans lesquelles aucun préjudice important n’est causé. À ce jour, seuls les critères techniques permettant de mesurer l’alignement (CS et DNSH) sur les deux objectifs d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques ont été adoptés15. Ils sont exposés sur près de 350 pages dans l’acte délégué « climat » du 4 juin 202116 qu’est venu compléter celui adopté le 9 mars 2022 pour y inclure, sous conditions, les activités économiques relevant des secteurs de l’énergie nucléaire et du gaz fossile.
6 – Qui la taxonomie oblige-t-elle ? – La classification qu’opère la taxonomie a pour but d’orienter l’investissement vers des activités durables. Elle s’adresse donc généralement aux investisseurs, aux entreprises qui font appel à leurs capitaux et à celles souhaitant engager des dépenses.
7 – Entreprises non-financières, financières et produits financiers. – Plus précisément, selon le règlement cadre17, le périmètre des entreprises obligées est d’abord celui de la directive 2014/95/UE (Non Financial Reporting Directive, aujourd’hui dénommée Sustainability Reporting Directive) qui couvre toutes les entreprises non-financières au-delà d’une certaine taille et financières (émettrices de titres financiers, fonds et producteurs de produits financiers) qui déposent une déclaration de performance extra-financière (DPEF). Parmi ces dernières, le règlement couvre également les « acteurs des marchés financiers » soumis au règlement (EU) 2019/2088 (Sustainability Finance Disclosure) qui intègrent dans leur gestion financière et/ou dans les produits qu’ils commercialisent des critères de durabilité18.
8 – À quoi la taxonomie oblige-t-elle ? Du reporting encore et toujours. – Comme souvent dans le champ large de la RSE, l’obligation due est celle de rendre compte. À cet effet, le contenu et la présentation des informations à communiquer mentionnées dans le règlement taxonomie sont détaillés dans un acte délégué adopté le 6 juillet 2021 dénommé « disclosure » ((EU) 2021/2178). Si l’analyse relève d’un travail classique de contrôle de gestion et d’audit, elle engagera également les commerciaux des entreprises qui, au moment de la négociation de contrats, devront être en mesure de s’approprier ces données clés. Ainsi, les entreprises non-financières et émettrices de titres financiers devront fournir dans leurs déclarations de performances extra-financières deux types d’informations. À la fois des informations quantitatives mesurées à partir de trois indicateurs clés de performance (ICP) que sont, d’abord, la part du chiffre d’affaires issue de produits ou services associés à une activité durable, et ensuite, la part de leurs dépenses d’investissement (CaPex) et d’exploitation (OpEx) liés à des actifs ou des processus associés à une activité durable. Mais elles devront également, et plus qualitativement, expliciter la méthodologie qu’elles ont retenue pour effectuer ces calculs, les hypothèses non retenues et les éventuels partis pris. À l’issue de ce travail d’introspection qu’exige l’étude de l’alignement, il se peut qu’une entreprise prenne conscience qu’elle développe déjà des activités durables. Dans ce cas, la robustesse du référentiel commun alliée à l’exigence de reporting renforcera sa crédibilité auprès des investisseurs et l’incitera à poursuivre, sinon à développer, le verdissement de ses activités. Il se peut également que l’entreprise, tout en étant éligible à la taxonomie, ne développe pas encore d’activités dites « durables ». Dans ce cas, si elle estime qu’en agissant de la sorte, elle se prive d’investissements, elle considérera le coût que présente le verdissement de ses activités rapporté aux avantages et sera, le cas échéant, incitée à transformer ses processus de production.
Quant aux entreprises financières (hors entreprises émettrices de titres financiers), l’objectif étant de permettre aux investisseurs et au public de mesurer la proportion d’activités durables des entreprises bénéficiaires de leurs soutiens financiers, les gestionnaires d’actifs et établissements de crédits devront rendre publique, selon la méthodologie détaillée par l’acte délégué « disclosure », la part d’investissements qu’ils ont réalisés ou de prêts qu’ils ont alloués correspondant à des activités durables exprimées par les ICP des entreprises bénéficiaires, au regard de la valeur totale de tous les investissements sous gestion ou de l’ensemble des actifs au bilan.
9 – Des enjeux de financements privés seulement ? Une grammaire neutre a priori. – Pour verdir le système financier, la taxonomie utilise les ressorts classiques du reporting et de la transparence très prisés en droit des marchés financiers. À cette fin, elle procède à des classifications fondées sur des critères techniques et scientifiques permettant aux entreprises à la recherche de financements et aux investisseurs susceptibles d’apporter leur soutien de se positionner. Mais au-delà de faciliter l’investissement durable, la taxonomie se présente comme une grammaire neutre. En effet, aux entreprises et aux investisseurs alignés, elle n’accorde aucun avantage fiscal, aucune facilité de financement, aucun taux d’intérêt avantageux. Elle n’interdit pas les entreprises qui en sont exclues de poursuivre leurs activités et d’obtenir des financements, aussi bien publics que privés. Elle ne pénalise pas non plus celles qui détiennent des actifs ou continueraient d’investir dans des activités polluantes. Et ne prévoit, de surcroît, aucun mécanisme de vérification, ni de certification, ni de sanction spécifique en cas de reporting comportant des allégations excessives, globalisantes ou à la méthodologie biaisée. En somme, la taxonomie n’est qu’une classification désincarnée dont le soubassement fondé sur les vertus supposées de la finance verte laisse au passage nombre d’observateurs avisés perplexes19.
10 – Des enjeux de financements privés seulement ? Renforcer la finance durable et au-delà ! – Et pourtant, les âpres tractations dont elle a fait l’objet laissent penser qu’elle n’est pas qu’un instrument de lutte contre l’écoblanchiment. C’est ce qu’il ressort de nombreux commentaires parus dans la presse prêtant à la taxonomie l’ambition de structurer les plans de relance, les politiques monétaires et la supervision bancaire, les aides d’État, les législations qui mettront en œuvre le Green Deal (Pacte Vert) et même les révisions de toutes les politiques européennes intégrant des données environnementales ! Il n’est pas impossible, en effet, que cet important effort de définition serve d’autres desseins. Cependant, à s’en tenir au règlement cadre, au plan d’action « financer la croissance durable » dans lequel il s’insère et à la stratégie pour le financement de la transition vers une économie durable, l’intention du législateur embrasse moins large. Il s’agit essentiellement d’améliorer la transparence du système financier pour assurer une meilleure fiabilité et comparabilité des informations relatives aux investissements durables, et ce dans l’espoir d’accroître leur volume. C’est encore une fois ces mêmes objectifs de lutte contre l’écoblanchiment, de clarté juridique, de transparence et de comparabilité, qui posent le cadre de l’action de la Commission dans le domaine voisin des obligations vertes (green bonds) lesquelles seront fondées sur la taxonomie20.
11 – Le cadre législatif de la contribution substantielle aux objectifs climatiques. – Le cadre législatif de la contribution substantielle aux objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique résulte à la fois des articles 10 et 11 respectivement consacrés à chacun de ces objectifs, et de l’article 19 relatif aux exigences applicables aux critères d’examen technique que doit adopter la Commission, lui-même commun aux contributions substantielles aux six objectifs environnementaux et à l’absence de préjudice important causé à ces mêmes objectifs. Ce double fondement ne place néanmoins pas les dispositions sur un même pied d’égalité. Tandis que les articles 10 et 11 posent le cadre définitionnel général de la notion de contribution substantielle aux deux objectifs climatiques et répertorie le type d’actions contributives attendues, l’article 19, directement adressé à la Commission, arrête les grandes lignes de la méthodologie à suivre pour l’élaboration des critères techniques et scientifiques permettant, notamment, de mesurer et donc comparer la performance environnementale des activités éligibles.
12 – Activités apportant une contribution directe et activités habilitantes. – Concernant l’atténuation au changement climatique, l’article 10 distingue les activités apportant une contribution directe prévue au paragraphe 1, et celles qui y contribuent indirectement énoncées au paragraphe 2. Selon le paragraphe 1, une activité économique est réputée apporter une contribution substantielle directe lorsqu’elle contribue « à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique, en conformité avec l’objectif à long terme fixé par l’Accord de Paris en matière de limitation de la hausse des températures, en évitant ou en réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou en améliorant l’absorption de gaz à effet de serre, y compris par des innovations en matière de processus ou de produit ». À cette fin, le paragraphe 1 énumère huit types d’actions contributives considérées comme directement vertueuses. Il en est ainsi, par exemple, de la production, du transport, du stockage, de la distribution ou de l’utilisation d’énergies renouvelables (point a), des activités améliorant l’efficacité énergétique (point b) ou encore des activités développant une mobilité propre ou neutre en carbone (point c). Immédiatement vertes, ces activités sont présumées apporter une contribution substantielle directe. Mais pour déployer tout leur potentiel contributif, certaines d’entre elles doivent reposer sur d’autres, lesquelles ont une nature moins vertueuse sur le plan environnemental. Mentionnées au point (i) et définies par renvoi à l’article 16, ces activités sont dites « habilitantes ». Bien qu’elles n’apportent pas, elles-mêmes, de contribution directe aux objectifs climatiques, elles sont inextricablement liées aux premières dès lors qu’elles leur permettent directement de produire leurs effets bénéfiques.
13 – Activités de transition. – Outre les activités offrant une contribution substantielle directe et les activités habilitantes qui assurent leur efficacité, le législateur européen a envisagé une autre catégorie d’activités économiques contribuant substantiellement à l’objectif d’atténuation au changement climatique. Il s’agit des activités dites « de transition » prévues au paragraphe 2 de l’article 10 du règlement. À l’inverse des activités habilitantes, les activités de transition sont dissociées voire s’opposent à celles offrant une contribution directe. Mais cette opposition n’est que temporaire dès lors qu’une activité de transition n’existe, par définition, que pour permettre le passage d’un état actuel à un état futur… L’article 10.2 du règlement énonce d’abord qu’« aux fins du paragraphe 1, lorsqu’il n’existe pas de solution de remplacement sobre en carbone réalisable sur le plan technologique et économique, [une activité économique] est considérée comme apportant une contribution substantielle […] lorsqu’elle favorise la transition vers une économie neutre pour le climat compatible avec un profil d’évolution visant à limiter l’augmentation de la température à 1,5 C° par rapport aux niveaux préindustriels, y compris en supprimant progressivement les émissions de gaz à effet de serre, en particulier les émissions provenant de combustibles fossiles solides ». Ainsi, sera a priori considérée comme contribuant substantiellement à l’objectif d’atténuation, l’activité qui, en l’absence de solution de remplacement, s’inscrit dans la trajectoire de neutralité carbone. À ce stade, l’exigence est donc double. Tout en permettant de poursuivre la politique de l’Union d’une augmentation limitée à 1,5°C imposée par l’accord de Paris (sinon à quoi bon ?), aucune alternative sobre en carbone ne doit être disponible. C’est l’idée que le pragmatisme commande de se satisfaire d’un « moins-disant » parce qu’on ne peut pas faire autrement pour arriver à ses fins. Or, en l’absence de choix, tout moins-disant ne saurait se voir qualifié d’activité contribuant substantiellement à l’objectif d’atténuation. C’est, en effet, toute la crédibilité du dispositif qui est en jeu. Ainsi, parmi tous les moins-disants ayant satisfait la double condition initiale, seuls ceux remplissant trois conditions cumulatives supplémentaires pourront voir leur contribution reconnue. En effet, l’article 10.2 poursuit en énonçant que l’activité favorisant la neutralité carbone et sans solution de remplacement doit encore : « a) présenter des niveaux d’émission de gaz à effet de serre qui correspondent aux meilleures performances du secteur ou de l’industrie ; b) ne pas entraver le développement ni le déploiement de solutions de remplacement sobres en carbone ; et c) ne pas entraîner un verrouillage des actifs à forte intensité de carbone, compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs ».
14 – Illustrations à partir de l’acte délégué climat. – Sur la base de ce cadrage législatif, et conformément à l’article 19 habilitant la Commission à compléter le règlement cadre, l’acte délégué (UE) 2021/2139 « climat » du 4 juin 2021 répertorie et arrête des critères techniques pour 13 macro-secteurs, dont l’un est consacré à l’énergie et comprend 25 activités. Au titre des contributions substantielles directes à l’objectif d’atténuation, et donc des activités les plus immédiatement vertueuses, on trouve, par exemple, l’ensemble des activités de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (photovoltaïque, marine, éolienne, hydroélectrique, etc.). Pour ces activités, la Commission n’établit aucun critère technique de contribution substantielle. Leur action contributive est – par elle-même – attestée. Pour les activités habilitantes, figurent, par exemple et toujours dans le secteur de l’énergie, diverses activités de stockage d’énergie, et notamment d’hydrogène pourtant quasiment exclusivement produit à partir de sources fossiles mais dont on sait qu’elles sont indispensables pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables. Concernant les activités de transition, aucune n’était prévue pour le secteur de l’énergie avant l’adoption du règlement délégué modifié du 9 mars 2022. Jusqu’à cette date, les activités de transition relevaient presque exclusivement des secteurs de l’industrie manufacturière et des transports. Si le point h (ii) de l’article 19.1 du règlement taxonomie laisse à la Commission une marge d’appréciation dans l’élaboration des critères d’examen technique de ces activités, l’analyse de la vingtaine d’activités de transition que compte l’acte délégué climat révèle une certaine hétérogénéité. Par exemple, certaines activités, comme la fabrication de ciment, sont réputées transitoires si les émissions de gaz à effet de serre sont inférieures à certains seuils sans échéance de date particulière21. D’autres, comme la fabrication d’aluminium recyclé, sont considérées transitoires ab initio ou en tant que telle. Dans ce cas, l’activité n’est soumise à aucun critère de contribution substantielle22. D’autres encore sont qualifiées d’activités transitoires car, n’atteignant pas les critères plus exigeants d’une contribution substantielle directe, elles ne nuisent pas aux autres objectifs environnementaux du règlement. C’est le cas des activités d’achat, de financement, de location, de crédit-bail ou d’exploitation des véhicules motorisés à deux, trois ou quatre roues émettant à l’échappement des émissions de CO2 supérieures à 0 g/km23. D’autres, enfin, sont qualifiées pendant un temps d’activités transitoires mais perdent cette qualité si, à partir d’une certaine date, elles ne remplissent pas l’ensemble des critères de contribution substantielle, d’ailleurs prescrits sans limitation de durée. C’est le cas de la fabrication d’aluminium primaire24. Au final, la diversité des critères techniques aboutit à faire reposer la qualification d’activité de transition moins sur la contribution substantielle de l’activité considérée à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique, objet de l’acte délégué climat, que sur son innocuité vis-à-vis des autres objectifs énumérés dans le règlement cadre. Or, ne pas causer de préjudice à la transition vers une économie circulaire ou à la prévention et au contrôle des pollutions, etc., ne signifie pas pour autant que l’activité contribue aux objectifs climatiques.
15 – Des justifications incomplètes apportées à la qualification d’activités de transition. – Mais surtout, la double exigence initiale définissant la notion d’activité de transition implique, outre de s’inscrire dans la trajectoire de neutralité carbone, l’absence de solution de remplacement réalisable sur un plan économique et technologique, et une fois cette condition satisfaite, la triple assurance que l’activité pressentie présente des niveaux d’émission de gaz à effet de serre correspondant aux meilleures performances du secteur ou de l’industrie, n’entrave pas le développement ni le déploiement de solutions de remplacement sobres en carbone et enfin ne verrouille pas des actifs à forte intensité de carbone compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs. Or, ces conditions ne font l’objet d’aucun examen, ni d’aucune justification de la part de la Commission. Sauf affirmer que la fabrication d’aluminium primaire ou secondaire, ou l’achat de voitures particulières, etc. relèvent de l’article 10.2, comme elle y ait d’ailleurs obligée par l’article 19 (k), la Commission n’explicite dans aucun de ses considérants, ni dans aucune de ses classifications, en quoi ces activités ne connaissent pas de solution alternative, et ni surtout en quoi, en incitant les entreprises à les développer grâce à la reconnaissance de leur durabilité et les investisseurs à se positionner en fonction, il n’y a pas un risque de verrouillage des actifs, et donc un obstacle possible au développement et au déploiement de technologies alternatives directement vertueuses. Or, ces conditions, si clairement affirmées dans le règlement taxonomie, sont au cœur des contestations liées à l’inscription du gaz fossile et de l’énergie nucléaire dans l’acte délégué complémentaire du 9 mars 2022.
2. L’inclusion controversée de l’énergie nucléaire et du gaz fossile dans la taxonomie
16 – L’inclusion de l’énergie nucléaire et du gaz fossile. – Le règlement délégué modifié du 9 mars 2022 et publié au journal officiel le 15 juillet dernier ajoute au macro-secteur de l’énergie six activités de transition relevant pour moitié de l’énergie nucléaire et pour moitié du gaz fossile. Cette inclusion a fait l’objet de controverses, oppositions et pressions lobbistiques sans précédents, divisant États, experts issus des secteurs de la finance et de l’énergie, qu’ils soient habilités par la taxonomie ou extérieurs, mais aussi ONG de protection de l’environnement et associations professionnels représentants les secteurs industriels concernés. Pour l’énergie nucléaire, les arguments au soutien de l’inclusion reposent généralement sur la même justification : les émissions de gaz à effet de serre de la filière européenne sont faibles, la technologie est accessible et les divers scénarios du GIEC établis en octobre 2018 visant à contenir l’augmentation des températures à 1,5°C retiennent tous une intensification du recours à cette source d’énergie. Du côté du gaz fossile, l’argument repose sur son meilleur bilan carbone comparé au charbon au moment de sa combustion, et donc sur l’intérêt qu’il présente à court/moyen terme pour se substituer aux combustibles fossiles solides dont dépendent en particulier l’Allemagne, qui s’est par ailleurs engagée à fermer ses centrales nucléaires, et plusieurs États de l’est de l’Europe. L’inclusion de ces deux sources d’énergie serait alors le fruit d’un pacte de soutien mutuel conclu entre le camp des pro-gaz et celui des pro-nucléaire, et dans le prolongement, de pressions pour que la Commission, co-législateur, agisse en ce sens.
17 – Les activités nucléaires éligibles. – La Commission a identifié trois types d’activités relevant du secteur de l’énergie nucléaire pour lesquelles elle a établi des critères d’examen technique. Sont d’abord éligibles les activités de recherche, développement et démonstration précédant la commercialisation de réacteurs dits de 4e génération (reposant notamment sur la technologie RNR ou réacteurs à neutrons rapides) comme ceux développés puis arrêtés par la France avec Superphénix ou Astrid25. Encore au stade de la recherche ou du prototype industriel, et aujourd’hui très largement remis en cause, l’avantage de ces réacteurs du futur tiendrait à leur capacité à « fermer le cycle du nucléaire » en consommant pour leur fonctionnement les produits issus du retraitement des combustibles usés (dit « MOx usé »), choix politique opéré par la France depuis les années 1980. Bien qu’ils apporteraient une réponse à l’insoluble question des déchets nucléaires, l’aboutissement d’un tel défi technique et technologique demeure à moyen, voire long terme, encore très incertain. Sont ensuite éligibles à la taxonomie les activités de construction et d’exploitation de nouvelles centrales ou de nouveaux réacteurs selon les meilleures techniques disponibles et à condition que le porteur du projet se soit vu délivrer un permis de construire avant 204526. Et enfin, la Commission retient comme éligibles les activités de modification des centrales existantes en vue de la prolongation de leur mise en service par autorisation délivrée avant 204027.
18 – Appréciation critique des activités nucléaires éligibles et urgence d’agir. – Ramené à l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, comme s’y est engagée l’Union en adhérant à l’accord de Paris, objectif réaffirmé dans le Pacte Vert et à de nombreuses reprises dans d’autres documents, mais aussi et surtout au 3e considérant du règlement taxonomie, le critère d’éligibilité pour la construction de nouvelles centrales relatif à la date limite de 2045 interroge. Étant donné le délai généralement accepté d’une quinzaine d’années entre le lancement d’un nouveau projet de réacteur et sa mise en service, on voit mal comment ces nouveaux réacteurs pourraient contribuer de manière significative à l’atténuation du changement climatique d’ici à 2050. Et ce d’autant plus que l’échéance fixée concerne la délivrance du permis de construire, tandis que le raccordement au réseau et la mise en exploitation effective peuvent intervenir des années plus tard, c’est-à-dire bien après 2050 ! Quel intérêt y a-t-il alors à attirer des capitaux pour financer des activités de construction ou de raccordement qui permettront de produire de l’électricité bas carbone, certes, mais ne permettant pas d’atteindre les objectifs climatiques de l’Union ?
19 – Les critères d’examen technique de contribution substantielle et l’exigence de solutions de gestion pour les déchets. – Pour être considérées alignées sur la taxonomie, les trois types d’activités identifiées par la Commission doivent satisfaire des critères d’examen technique établis à la fois pour attester qu’elles contribuent substantiellement aux deux objectifs climatiques, et qu’elles ne causent aucun préjudice significatif à l’ensemble des objectifs environnementaux. Concernant la première série de critères, la Commission conditionne la qualité d’« activité de transition » des activités pré-commerciales de recherche et développement de réacteurs de 4e génération, de construction de nouveaux réacteurs et de modification d’installations existantes, à plusieurs conditions. Parmi les plus notables, l’obligation pour le porteur du projet à financer de résider dans un État membre qui, au jour où l’installation est autorisée ou au jour où son extension est approuvée, ait mis en place un fonds de gestion des déchets radioactifs et un fond de déclassement nucléaire (ou de démantèlement) lesquels peuvent être combinés28. Contrairement au droit français qui sécurise le financement de ces charges par l’obligation faite à l’exploitant de constituer des provisions et de leur affecter des actifs de couverture à titre exclusif (V. C. envir., art. L. 594-2 et D. 594-1 et s.), la création de fonds dédiés prévue par le règlement délégué modifié du 9 mars 2022 dépasse une écriture comptable dans un bilan pour procéder à une externalisation du financement, engendrant une sortie de ressources, et donc permettant de mieux faire face au risque de faillite des opérateurs. Notable également, la condition visant à ce que l’État de résidence du porteur de projet dispose déjà d’installations de stockage définitif opérationnelles pour tous les déchets radioactifs de très faible, faible et moyenne activité29. Une exigence présentement satisfaite en France où le Centre de Stockage de l’Aube, relais de celui de la Manche depuis sa fermeture, accueille ces déchets à vie courte. Mais surtout, et plus significativement, le nouveau règlement délégué impose que l’État ait arrêté un plan de création d’une installation d’élimination des déchets les plus dangereux, dits de haute activité à vie longue (HA-VL). Dans la version anglaise du texte, il est prévu que ce plan détaille les diverses étapes aux fins que l’installation soit en exploitation (« in operation ») à la date de 205030. Or, l’exigence d’une installation d’élimination des déchets HA-VL « en exploitation » en 2050 pourrait rendre caduque toute tentative de voir la construction des futurs réacteurs et la prolongation de centrales existantes financées par de l’investissement durable. Si l’on s’attache au cas français, car avec la Finlande et la Suède, la France compte parmi les États européens les plus avancés sur cette épineuse question, le projet de stockage géologique profond à Bure dans la Meuse/Haute-Marne (dit « Cigéo ») pourrait ne pas remplir la condition d’une mise en exploitation pour 2050. En effet, alors que la demande d’autorisation de création n’a toujours pas été déposée auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’addition des délais d’instruction et des différentes phases temporelles de déploiement du projet de centre de stockage tel qu’envisagé par l’ANDRA, maître de l’ouvrage, dans sa version la plus récente et comprenant des étapes d’aménagements préalables, de construction initiale puis de phase industrielle pilote validée par le législateur avant sa mise en fonctionnement31, rend incertain le respect de la date de 2050 nécessaire à la qualification d’activité de transition.
20 – Les critères d’examen technique d’absence de préjudice et la transition vers une économie circulaire. – Pour s’assurer qu’aucune des trois activités nucléaires éligibles ne porte d’atteintes significatives à l’ensemble des objectifs environnementaux, la Commission a établi d’autres critères techniques. Mais leur contenu paraît bien lacunaire au regard de la dangerosité potentielle des activités pressenties et des déchets engendrés dont certains présenteront des taux de radioactivité extrêmement élevés pendant des milliers d’années. Pour ne prendre qu’un exemple32, la condition de ne pas nuire à l’objectif de transition vers une économie circulaire n’évoque que la mise en place d’un plan de gestion des déchets radioactifs et non-radioactifs visant à garantir un haut niveau de réutilisation et de recyclage sans davantage de précisions33. Certes, la France arguera qu’elle dispose déjà d’un cadre réglementaire robuste incarné par son plan de gestion des déchets et matières radioactives (PNGMDR) pour la première fois soumis à débat public en 2019 et dont la version révisée n’a toujours pas été adoptée34. Certes, elle soutiendra, de concert avec l’industrie électronucléaire, qu’elle intègre les objectifs d’économie circulaire en retraitant ses combustibles usés, lesquels échappent de ce fait à la qualification de déchets et donc à l’inventaire national ainsi qu’aux provisions de charges que doit constituer EDF. Cependant, la réutilisation de ces « matières » est conditionnée à des avancées technologiques plus qu’incertaines, comme il en est du déploiement de réacteurs de 4e génération dont on a dit qu’il était largement remis en cause avec l’abandon du projet Astrid35. Il est vrai qu’en raison de l’irréductible problématique des déchets au stade aval du cycle, l’industrie nucléaire s’est, dès l’origine, mieux que toute autre posée la question de la réutilisation, du traitement et du recyclage des ressources, matières, produits et déchets36. Mais il n’en demeure pas moins que les impératifs de santé publique liés à la dangerosité de la radioactivité des installations nucléaires s’accommodent mal des objectifs de transition vers une économie circulaire ainsi que des moyens d’y parvenir tels que la réutilisation des déchets ou la réduction sensible de la teneur en substances dangereuses comme le prévoit l’article 13 du règlement taxonomie. Certes, l’horizon tracé par Gérard Mourou, prix Nobel de physique en 2018, avec la transmutation des déchets radioactifs par laser est prometteur37, mais ces travaux demeurent à ce jour largement expérimentaux. Pire, les objectifs d’économie circulaire pourraient même être utilisés comme solution au problème de la saturation des capacités de stockage des déchets radioactifs que connaît la France actuellement. Et de fait, c’est en arguant ce doublé gagnant que le ministère de la Transition écologique a annoncé que la valorisation de substances métalliques faiblement radioactives serait autorisée de façon dérogatoire, conduisant à repousser le seuil de libération en dessous duquel un déchet n’est plus considéré comme radioactif, pour qu’elles puissent être recyclées par l’industrie conventionnelle38.
21 – Les critères d’examen technique, l’échelle temporelle des déchets et le principe de précaution. – Les autres critères d’examen technique visant à ne pas porter atteinte aux objectifs de protection des ressources aquatiques et marines, ou à ceux de prévention et de réduction des pollutions ne renvoient généralement qu’au respect des réglementations en vigueur sises sur les meilleures techniques disponibles. Or, pour ces objectifs comme pour les autres, l’échelle temporelle multiséculaire associée à la nature de certaines substances radioactives rend non seulement impossible la démonstration de l’innocuité de l’activité mais encore davantage celle d’une performance environnementale supérieure ou particulièrement élevée, comme le suppose la notion de contribution substantielle, et son pendant négatif, d’absence de préjudice à cette contribution. Dès lors, le respect du principe de précaution, qui pourtant oblige la Commission en vertu de l’article 19 (f) du règlement taxonomie, interroge. Tout d’abord, et d’une part, en renvoyant le porteur du projet à financer au respect des législations nationales et européennes en vigueur, intégrant par hypothèse déjà les exigences du principe de précaution, et d’autre part, en demandant aux États d’accueil, et de manière très générale, d’arrêter des plans de création d’installations de stockage ou de gestion des déchets, et donc en transférant implicitement sur eux la charge de mettre en œuvre le principe de précaution, la Commission semble manquer à une obligation qui lui incombe à elle : celle d’élaborer des critères d’examen techniques fondés sur le principe de précaution. Par ailleurs, et ensuite, ce principe n’a pas été pensé pour disposer de déchets concentrant un très haut niveau de radioactivité pendant des milliers d’années, comme il en est des déchets HA-VL39. Conçu pour faire face aux hypothèses de risques non avérés et non probabilisables, c’est-à-dire incertains mais susceptibles de provoquer des dommages graves ou irréversibles, le principe de précaution impose de produire continuellement de la connaissance pour, précisément, sortir de l’incertitude et agir en fonction. Or, appliqué au projet de stockage géologique Cigéo que la France, par hypothèse État d’accueil du projet, veut voir adopté, son respect ne semble que partiellement acquis. Il l’est possiblement pendant les 150 ans que durera l’exploitation du centre dès lors que le projet repose sur un phasage progressif voyant se succéder des phases de construction, d’observation, de surveillance active et de retours d’expérience avec des validations au passage de chacune, mais aussi et surtout, avec le concept de réversibilité au cœur de sa gouvernance, lequel implique notamment, et en théorie, une possible récupérabilité des colis de déchets. Mais après la fermeture du centre, et alors qu’il entrera en phase de « surveillance passive », c’est-à-dire d’oubli, pendant des milliers d’années, toute démonstration d’innocuité et donc de contribution substantielle fondée sur le principe de précaution paraît illusoire. Si cet outil nous projette effectivement dans l’avenir, il ne permet pas de gérer des risques susceptibles de subvenir dans des échelles de temps aussi long. Face aux risques géologiques résiduels, c’est-à-dire aux risques de structure (fissures de la roche, écoulements de matières encore hautement radioactives, etc.), la transmission d’une mémoire du site après quelques centaines d’années paraît impossible. Mais surtout, et au-delà de la mémoire de la présence du site, comment transmettre les techniques et institutions qui permettent de gérer les risques qu’il présente ? Comment provisionner les charges correspondantes et y affecter des actifs de couverture sur plusieurs dizaines de siècles afin d’éviter que le coût de gestion du risque ne pèse sur les générations futures, comme l’interdit le principe de précaution ? Et qu’en est-il du risque de rupture civilisationnelle ? Au jour où la guerre ensanglante l’Europe à nouveau, où la montée des populismes ébranle les démocraties, où des menaces climatiques d’ampleur sont quotidiennement annoncées, comment appréhender les impacts d’un tel risque sociétal pour un site susceptible de provoquer des dommages graves et irréversibles pendant des millénaires ? La dangerosité et la longévité de certains déchets excluent ipso facto la pertinence même d’un outil de gestion du risque comme le principe de précaution, dont le respect est pourtant exigé par le règlement taxonomie pour l’établissement de critères d’examen techniques.
22 – Des capitaux durables pour financer les nouveaux réacteurs ? – L’entrée « aux forceps » de l’atome dans la taxonomie verte invite à s’interroger sur le souhait des États misant sur le nucléaire de voir ce choix énergétique financé par de l’investissement durable. Autrement dit, et puisqu’à ce jour la taxonomie n’est qu’un référentiel destiné à attirer les capitaux d’épargnants, d’investisseurs institutionnels ou de sociétés de gestion de portefeuilles, quelle part, s’il en est, l’investissement privé prendra-t-il dans le financement des nouveaux réacteurs, et au passage dans le maintien du parc existant ? Pour ce qui est de la France, la question du financement de la construction des six nouveaux réacteurs annoncés par le président Emmanuel Macron à Belfort en février 2022 est présentée comme un véritable casse-tête, inextricablement lié à la réorganisation d’EDF et à la régulation du tarif d’accès au nucléaire historique (ARENH), chacun des deux impliquant d’âpres négociations avec Bruxelles. Alors qu’EDF, la direction générale du trésor et la direction générale de l’énergie et du climat planchent depuis quelques temps sur plusieurs scénarios40, dans toutes les hypothèses considérées, la participation de l’État sera substantielle. Substantielle car les enjeux de souveraineté énergétique et de sûreté militent en faveur d’un soutien public conséquent. Substantielle également car le temps long du nucléaire, du lancement d’un projet au raccordement au réseau, et les risques de dépassement de coûts et de délais, sont peu compatibles avec la rentabilité à court-terme recherchée par les investisseurs privés. Substantielle, enfin et dans le prolongement, car le secteur du nucléaire étant souvent déficitaire, l’assise financière extrêmement dégradée d’EDF en témoigne, les institutions bancaires pratiqueraient des taux d’emprunt prohibitifs si le projet n’était pas adossé à la puissance publique41. Au final, qu’il passe par une nationalisation, un apport direct de l’État actionnaire sous forme d’augmentation de capital avec actions de préférence, par des garanties d’État ou des subventions diverses, etc., le financement du programme Nouveau Nucléaire France (NNF) sera scrupuleusement contrôlé par les autorités de la concurrence, notamment bruxelloises. Mais surtout, il ne reposera que marginalement sur des capitaux privés, c’est-à-dire ceux visés par la taxonomie. Sur cette part marginale, la taxonomie pourrait néanmoins avoir un impact. En effet, EDF recourra en toute vraisemblance à des capitaux d’emprunt lesquels relèvent d’un secteur dont le verdissement prend appui sur la taxonomie. C’est ce qui a été mentionné à propos du projet de règlement relatif aux obligations vertes (green bonds). L’électricien français a d’ailleurs déjà émis des titres obligataires verts dans le cadre de sa stratégie Green Bonds Framework pour des projets liés au développement d’énergies renouvelables. Mais les investisseurs le suivront-ils pour financer le grand carénage ou le programme NNF ? Si l’on a en tête la déclaration du directeur général du pôle finances, achats et risques de Réseau de transports d’électricité (RTE)42 rappelant, à l’occasion de son premier lancement d’obligations vertes, qu’il est plus facile de « vendre » aux investisseurs le raccordement de parcs éoliens offshore que celui de nouvelles capacités nucléaires, et qu’en conséquence, la société s’abstiendra de proposer tout projet portant à controverses, on peut aisément en douter…
23 – Lutter contre l’écoblanchiment et financer le nucléaire. – Le règlement taxonomie est d’abord un outil destiné à la finance de marché. Si la lutte contre le changement climatique est un objectif inhabituel pour la réglementation bancaire et financière, cette dernière est au contraire familière des impératifs de protection des épargnants et d’intégrité des marchés. C’est donc pour ne pas tromper les investisseurs sur la contribution réelle des émetteurs et des produits au respect des engagements verts, autrement dit pour lutter contre l’écoblanchiment, que le règlement taxonomie s’attache prioritairement à définir ce qu’est une activité durable. Or, en intégrant l’énergie nucléaire dans la taxonomie, le législateur européen pourrait affaiblir cet objectif. Une telle inquiétude s’évince d’un rapprochement qui peut être fait avec plusieurs avis rendus en matière de déontologie publicitaire par le jury de déontologie publicitaire (JDP), instance chargée de se prononcer sur les plaintes émises à l’encontre de publicités au regard des règles régissant la profession. Parmi ces dernières, la recommandation « Développement durable » comprend des dispositions de nature éthique mais qui connaissent bien souvent des équivalents en droit positif. Au titre de la véracité, la recommandation impose, par exemple, que la publicité n’induise pas le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ou sur la propriété de ses produits, que ces mêmes actions et propriétés soient, dans le domaine de la protection de l’environnement, suffisamment significatives pour pouvoir être revendiquées, ou encore que les qualités affichées puissent être justifiées au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables, etc. Or, les vertus décarbonnées de l’énergie nucléaire mises en avant par EDF ou Orano en leur qualité d’annonceur dans divers messages publicitaires ont donné lieu, ces dernières années, à plusieurs avis du JDP constatant la méconnaissance de certaines dispositions de la recommandation « développement durable », et notamment celles relatives à la véracité. Ce fut le cas de messages comme « EDF, partenaire d’un monde bas-carbone »43, « Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète »44 ou encore récemment « Respect du climat : L’électricité produite à partir du nucléaire n’émet pas de CO2 »45. Les sanctions du JDP ne portent pas toutes sur l’affirmation d’absence d’empreinte carbone de l’énergie nucléaire. Dans un visuel publicitaire montrant, dans un décor de montagne, une cascade en forme de cheminée de refroidissement d’une centrale nucléaire s’écoulant d’une falaise, le JDP a estimé que « l’assimilation directe d’un élément de centrale nucléaire, présentant un impact négatif de long terme sur l’environnement, à un élément naturel, peut induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit en cause […] »46. De manière générale, le caractère trompeur pour le grand public de ces types d’allégations doit être rapproché de la perception que pourraient avoir des investisseurs, des épargnants, des gestionnaires d’actifs ou des banques en apportant leurs capitaux à des activités, ici nucléaires, présentées comme durables ou vertes par un outil législatif qui pourrait être lu sans nuance.
24 – Les activités gazières éligibles et les installations existantes. – À côté de l’énergie nucléaire, la Commission a identifié trois types d’activités gazières relevant du secteur de l’énergie susceptibles d’être qualifiées d’activités de transition si elles satisfont les critères d’examen techniques qu’elle a élaborés. Sont ainsi concernées la production d’électricité47, la production combinée de chaleur/froid et d’électricité (cogénération)48, et la production de chaleur/froid49. Pour chacune de ces activités, des critères de contribution distincts sont établis selon que l’installation est existante ou selon que sa construction sera autorisée avant le 31 décembre 2030. Dans le premier cas, pour remplir le critère de contribution substantielle à l’objectif d’atténuation du changement climatique, l’activité de production d’énergie par combustibles gazeux ne devra pas émettre plus de 100 grammes d’équivalent CO2 par kilowattheure, et ce, de l’extraction du gaz à sa combustion en passant par son transport et son stockage50. De l’avis de l’ensemble des experts, de ceux de la plateforme pour la finance durable aux principales ONG impliquées51, le critère garantit que les capitaux apportés permettront efficacement d’atteindre les objectifs climatiques. Identique à celui appliqué à toutes les autres activités relevant du macro secteur de l’énergie énumérées dans l’acte délégué climat, le seuil retenu est en outre calculé sur la totalité du cycle de vie, comme le prévoit l’article 19 (g) du règlement taxonomie. On peut s’en satisfaire dès lors que l’un des problèmes majeurs de la production d’énergie à base de gaz fossile tient aux fuites de méthane dont il est constitué à plus de 90 %, et ce, à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement. Gaz à effet de serre doté d’un potentiel de réchauffement global près de 30 fois supérieur au CO252, le méthane vit peu longtemps dans l’atmosphère, ce qui fait de sa réduction un puissant levier pour agir à court terme dans une décennie qui est décisive. C’est pourquoi, en exigeant que les centrales existantes n’émettent pas plus de 100 g CO2 éq./kWh tout au long du cycle de vie pour recevoir la qualité d’activité durable, le législateur européen acte une vraie contribution aux objectifs climatiques, laquelle serait en outre compatible avec la nécessité d’une action urgente conformément aux engagements pris par l’Union européenne.
25 – Les critères d’examen techniques de contribution et les futures installations. – Pour chacune des trois activités gazières éligibles, la Commission européenne distingue, à côté des installations existantes, celles qui se verront délivrer un permis de construire au plus tard le 31 décembre 203053. Pour ces futures installations, la qualification d’activité de transition est conditionnée au respect de plusieurs critères techniques. Parmi les principaux, l’activité de production d’énergie par combustibles gazeux n’émettra pas plus de 270 grammes d’équivalent CO2 par kilowattheure. La nouvelle installation remplacera une activité de production d’énergie à fortes émissions utilisant du fioul ou du charbon. L’énergie remplacée ne pourra pas être produite par des énergies renouvelables à un coût économiquement rentable. L’installation sera construite de manière à ce qu’en 2035 au plus tard, du gaz renouvelable ou bas carbone puisse être substitué au gaz fossile. Le remplacement permettra au minimum une réduction des émissions de CO2 de 55 % sur la durée de vie de l’installation. L’État sur le territoire duquel l’activité sera exercée se sera engagé à sortir progressivement du charbon. Enfin, chacune de ces conditions sera évaluée par un tiers indépendant qui dressera un rapport et le transmettra à la Commission laquelle pourra, le cas échéant, émettre un avis. Malgré leur technicité, chacun de ces critères a fait l’objet d’analyses critiques. Par conséquent, seuls les principaux seront ici examinés.
26 – Le seuil d’émissions directes à 270 g CO2 éq. kWh. – Parmi les principales critiques formulées à l’encontre de ces critères figure l’incompatibilité du seuil d’émissions directes fixé à 270 g CO2 éq. kWh d’électricité ou d’énergie produite avec les objectifs de l’accord de Paris, repris et réaffirmés à plusieurs reprises par l’Union européenne54 et la Commission55. Outre ne pas permettre, sur un plan scientifique, de contenir l’augmentation des températures à 1.5°C d’ici la fin du siècle et d’atteindre, pour l’Union européenne, la neutralité carbone en 205056, la conformité de ce seuil avec les articles 10.2 (a) et 19 (g) du règlement taxonomie est incertaine. L’article 10.2 (a) prévoit, d’une part, qu’une activité de transition présente des niveaux d’émission de gaz à effet de serre correspondant aux meilleures performances du secteur ou de l’industrie. Or, l’ambition de ce seuil au regard de ces performances interroge. C’est particulièrement vrai pour les activités de production d’énergie à base de cogénération où certains experts de la filière font eux-mêmes état de normes d’émissions plus strictes57. Au-delà des professionnels du secteur, le seuil de 270 g CO2 éq. kWh excède celui recommandé par la Banque européenne d’investissement dans sa stratégie de soutien au secteur de l’énergie58, et alors même que cette institution est appelée à jouer un rôle majeur dans le financement du Pacte Vert en attirant des investissements privés59. Enfin, ce seuil dépasse l’intensité carbone moyenne de la production d’électricité en Europe qui a été évaluée en 2019 par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) à 235 g CO2 éq. kWh60. Ce seuil contredit, d’autre part, l’article 19 (g) du règlement lequel impose à la Commission au moment de l’élaboration des critères d’examen techniques d’intégrer l’analyse du cycle de vie. Or, la valeur limite de 270 g CO2 éq. kWh est établie sur la base des émissions directes de l’activité, c’est-à-dire sans tenir compte des fuites de méthane intervenant tout au long de la chaîne d’approvisionnement et qui grèvent considérablement le bilan carbone du gaz.
27 – Construire de nouvelles centrales à gaz jusqu’au 31 décembre 2030 : actifs échoués ou actifs verrouillés ? – La construction des nouvelles centrales à gaz éligibles pourra être autorisée jusqu’au 31 décembre 203061. Étant donné le caractère décisif des prochaines années pour agir, et comme en matière d’énergie nucléaire, la date limite retenue par la Commission ne permettra pas à l’Union de respecter les objectifs qu’elle s’est fixée. Mais surtout, cette date met à mal l’idée même de « transition » dont la raison d’être tient précisément à son caractère provisoire. En effet, dès lors que la durée de vie d’une centrale à gaz est estimée entre 20 et 40 ans pour une durée de construction de 3 ans en moyenne, les premières centrales entrées en service en 2025 seront en exploitation au minimum jusqu’en 2045, et les dernières entrées en service en 2033 le seront au moins jusqu’en 2053. Certes, ces installations seront moins émettrices que les centrales à charbon ou au fioul qu’elles remplacent, mais les États qui les accueilleront pourront-ils réellement décider leur fermeture anticipée dès lors qu’en parallèle se seront développées des énergies renouvelables ? Cette décision est peu probable étant donné que les apporteurs de capitaux calculent le rendement de leurs investissements initiaux à partir de la durée de vie de l’installation62, et qu’en décidant de fermer ces centrales avant terme, les États prendraient le risque de transformer les investissements réalisés en actifs échoués63. Par ailleurs, les États européens seront d’autant plus hésitants à s’engager dans cette voie qu’ils se savent liés par un accord international conclu en 1994 et aussi méconnu que redoutable dénommé Traité sur la charte de l’énergie qui, pour offrir un cadre stable aux investissements dans ce secteur, autorise les investisseurs d’États signataires à réclamer des compensations adéquates aux États parties qui prendraient des mesures ayant des effets équivalents à une nationalisation ou à une expropriation64, ce que pourrait constituer la décision de renoncer, même progressivement, aux énergies d’origine fossile65. Si le 2 septembre 2021, la CJUE a ouvert une brèche en vue de l’application dérogatoire du traité relativement à la soumission des contentieux entre investisseurs de l’Union et États de l’Union à des procédures d’arbitrage66, les États européens demeurent divisés sur la stratégie à suivre : refonte du traité ? dénonciation individuelle ? Dénonciation collective ? En tout état de cause, le coût pour les États que représente cette obligation de compensation conduira les nouvelles infrastructures gazières financées par de l’investissement durable à fonctionner jusqu’à leur terme. Si le risque d’actifs échoués doit être relativisé, c’est alors d’un verrouillage de ces actifs gaziers carbonés qu’il faut avant tout s’inquiéter. En prolongeant la durée de vie de ces nouvelles centrales au bilan carbone élevé au-delà du nécessaire pour éviter l’échouage des actifs investis, la date retenue par la Commission contredit l’article 10.2 (c) du règlement taxonomie, et par conséquent, la qualification d’activité de transition reconnue à ces nouvelles installations.
28 – L’activité remplacée et l’activité de remplacement. – La Commission établit plusieurs critères relatifs à l’activité substituée et à l’activité de substitution éligible aux investissements durables. Concernant l’activité substituée, la Commission impose qu’elle produise de l’énergie à partir du charbon ou du fioul67. Si l’urgence est bien de sortir de la production d’énergie à très forte intensité carbone, le critère ne dit cependant pas si les installations à remplacer n’étaient pas déjà en fin de vie ou si des limites opérationnelles liées aux émissions polluantes n’avaient pas déjà été constatées. Quelle est, par ailleurs, l’échelle de remplacement ? L’installation ? Le secteur industriel ? La région ? Le territoire national ? Il est à craindre, dans certains États, qu’un nombre significatif de centrales soient concernées au risque que le bénéfice attendu, au regard du seuil de faible performance déjà souligné, soit des plus limités.
Concernant l’activité gazière de substitution, la Commission exige, d’une part, que l’énergie produite ne puisse l’être à partir de sources d’énergies renouvelables et qu’un tel constat soit attesté par une évaluation comparative avec l’alternative renouvelable la plus rentable et techniquement réalisable pour la même capacité68. Si ce critère semble reprendre à l’identique celui de l’article 10.2 du règlement taxonomie, le considérant 4 du règlement délégué modifié du 9 mars 2022 ajoute toutefois que la disponibilité technique et économique de la solution alternative bas carbone s’apprécie au regard de sa capacité à « couvrir la demande d’énergie de manière continue et fiable ». Outre que cette précision puisse rendre la satisfaction de ce test moins aisée pour les énergies renouvelables par nature intermittentes, on peut s’étonner que la taxonomie, initialement conçue comme un instrument d’évaluation de la performance environnementale d’une activité donnée à des fins d’investissement, soit ainsi convertie en outil de politique énergétique intégrant des enjeux de sécurité du système électrique, de stabilité du réseau et de continuité du service… Il n’en reste que les énergies renouvelables sont de plus en plus compétitives pour remplacer le charbon. C’est ce que rappelait encore en 2020 l’Agence internationale pour les énergies renouvelables dans un rapport où elle évalue qu’entre 2010 et 2020, le coût de l’électricité a baissé de 85 % pour le solaire photovoltaïque à échelle industrielle, de 68 % pour le solaire thermique à concentration (CSP), de 56 % pour l’éolien terrestre et de 48 % pour l’éolien offshore69. Au total, sur les 162 gigawatts (GW) de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable installées dans le monde en 2020, l’Agence estime que 62 % coûtaient moins cher que le charbon. Si l’étude ne rapporte pas les coûts de la production d’électricité à base d’énergies renouvelables à ceux du gaz fossile, il va sans dire que la flambée des prix sans précédent de cette matière première ces derniers mois, elle-même accentuée par la guerre en Ukraine, affaiblit considérablement son caractère compétitif.
Les installations liées à l’activité gazière de substitution doivent, d’autre part, être conçues et construites de manière à pouvoir recevoir, le 31 décembre 2035 au plus tard, du gaz renouvelable ou bas carbone (biogaz, biométhane, hydrogène bleu ou vert ?), selon un plan approuvé par la direction de l’entreprise70. La Commission avait initialement prévu des dates intermédiaires avec des ratios progressifs de conversion (système dit du « blending ») allant jusqu’à la date butoir retenue. Outre les impacts environnementaux associés au développement du biogaz à grande échelle, notamment en termes d’emprise sur les terres agricoles71, et les incertitudes techniques liées à la performance climatique de l’injection d’hydrogène vert dans les réseaux de distribution de gaz72, la suppression des échéances intermédiaires dans la version finale du règlement délégué modifié signifie que les nouvelles centrales pourront fonctionner à 100 % avec du gaz fossile jusqu’en 2035. Or, non seulement il n’est pas certain que ces technologies de gaz renouvelable et bas carbone soient effectivement disponibles à cette date, mais de surcroît, les nouvelles activités de production d’énergie à base de gaz fossile seront qualifiées de durables dès la mise en service de l’installation alors que leur alignement avec la taxonomie n’interviendra que plus tard. Ainsi, et contrairement aux objectifs énoncés de lutte contre le greenwashing, les investisseurs seront tenus dans la fausse croyance, au jour où ils apportent leurs capitaux, que leurs investissements contribuent effectivement à l’atténuation du changement climatique, alors qu’il n’en est rien. Alertée par le risque de greenwashing qu’engendre l’inclusion du gaz dans la taxonomie, une coalition d’investisseurs dont font partie les plus grands gestionnaires d’actifs au monde comme Blackrock ou Vanguard, ont même été jusqu’à demander formellement à la Commission de revoir sa copie73. CQFD !
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En s’attelant à une tâche aussi monumentale que celle de définir ce qu’est une activité économique durable, l’Union européenne entreprend une œuvre qui fera date, la plaçant aux avant-postes des nations engagées dans la construction d’une société plus sobre et solidaire. L’édification d’une grammaire commune à toute l’Union européenne se révèle autant indispensable pour répondre efficacement à la nature globale et interdépendante des défis environnementaux, qu’elle assoit la crédibilité de la stratégie de Pacte Vert de l’exécutif européen. Mais comme toujours lorsque se construit l’histoire autour de grandes coalitions, les tentations d’affaiblir les objectifs et les inquiétudes d’être laissé au banc, sont fortes. C’est ainsi que la transition énergétique supplante l’objectif même du texte, qu’est le financement de la croissance durable et la lutte contre l’écoblanchiment, au point de faire oublier qu’elle n’est qu’un moyen au service d’une fin : la transition écologique. Il est vrai qu’enfermer le débat autour de la définition de ce qu’est une énergie verte, en elle-même impossible dès lors que toutes les sources d’énergie ont des avantages et des inconvénients, ne peut qu’exacerber les tensions. Or, a-t-on encore le temps de « transiter » ? Autrement dit, l’idée même de « transition », qu’elle soit énergétique, écologique ou « activité de », en renvoyant au passage graduel d’un état à un autre, c’est-à-dire par étapes ou par petits pas, n’enferme-t-elle pas dans la fausse croyance que toutes les options sont encore sur la table ? Ne contredit-elle pas les pressants appels de la communauté scientifique, encore réitérés par le 3e volet du 6e rapport du GIEC, au terme duquel, si des actions urgentes ne sont pas prises dans les 3 prochaines années, l’objectif de limiter l’augmentation des températures à 1.5°C d’ici la fin du siècle sera définitivement enterré ? Dès lors que la stratégie des petits pas n’est plus envisageable, orienter des financements limités vers l’énergie nucléaire, qui ne peut être qu’une option de long terme, et vers le gaz fossile, dont le bilan carbone lié aux émissions de méthane non-maitrisées est plus que mitigé, et les affubler de l’étiquette « durables » car présumés conformes à l’objectif à long terme fixé par l’accord de Paris, est à la fois néfaste sur le plan environnemental et erroné sur le plan juridique. Tandis que le texte vient d’être formellement adopté et que son entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2023, des voix se sont élevées pour compléter la taxonomie verte avec de nouvelles classifications pour les activités dites « oranges » et « rouges »74. Si l’idée est louable, la complexité technique du travail qu’elle requiert a de quoi effrayer. Pas à Bruxelles, rompue à ce genre d’exercices, mais à nouveau, a-t-on encore le temps ?■
Essentiel à retenir
- Présentée comme un outil de classification destiné à renforcer la transparence des entreprises financières, non financières et des produits financiers, la taxonomie pourrait avoir des effets dépassant la simple lutte contre l’écoblanchiment.
- Outre satisfaire un critère d’éligibilité initiale, l’activité économique pressentie doit encore être alignée, ce qui implique qu’elle remplisse quatre conditions cumulatives. Parmi ces dernières, l’activité doit contribuer substantiellement aux objectifs environnementaux arrêtés par le texte. Il existe, à cet égard, deux formes de contribution substantielle. L’une, considérée comme directe, incluant les activités habilitantes qui lui sont consubstantielles. L’autre, considérée comme transitoire, pourvu que certaines conditions soient satisfaites. Or, l’analyse des activités qualifiées par la Commission de transitoires révèle qu’aucune justification n’est apportée à certaines d’entre elles. Cette absence est au cœur des contestations liées à l’inscription du gaz fossile et de l’énergie nucléaire.
- Énergie du temps long, certaines activités nucléaires mentionnées par le texte pourraient ne jamais permettre d’atteindre les objectifs climatiques de neutralité carbone en 2050 et de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour les centrales existantes, et au vu de l’avancement du projet Cigéo, une course devra être engagée pour que soit satisfaite l’exigence de disposer d’une installation de gestion des déchets HA-VL en exploitation en 2050. Si en retraitant ses combustibles usés, la France pourrait prétendre satisfaire l’exigence de ne pas nuire à l’économie circulaire, cet argument interroge dès lors que la réutilisation de ces matières est conditionnée à des avancées technologiques incertaines, comme le déploiement de réacteurs de 4e génération actuellement interrompu depuis l’abandon du projet Astrid. L’échelle temporelle multiséculaire des déchets HA-VL fait enfin peser un doute sur le respect du principe de précaution qui contraint pourtant la Commission lors de l’établissement des critères d’examen technique. Au vu des différents scénarios, le secteur privé devrait peu contribuer au financement du nouveau nucléaire français, si bien qu’au regard de ce qu’est la taxonomie, on serait tenté de dire « beaucoup de bruit pour rien » !
- Des trois activités gazières éligibles à la taxonomie, seules les installations futures posent problème. Outre le fait que pour de nombreux scientifiques, le seuil d’émissions retenu pour ces nouvelles installations ne permette pas d’atteindre les objectifs climatiques de l’Union, il contredit plusieurs critères d’examen technique comme celui de ne retenir que les meilleures performances du secteur ou d’intégrer l’analyse du cycle de vie. La non-prise en compte des fuites de méthane qui grèvent très lourdement le bilan carbone de cette énergie est à ce titre particulièrement symptomatique. Par ailleurs, étant donné la durée de vie d’une centrale à gaz à partir de laquelle les apporteurs de capitaux calculent le rendement de leur investissement initial, il est très peu probable qu’un État décide sa fermeture anticipée au risque de transformer ces investissements en actifs échoués. L’obligation de compensation qu’impose le traité sur la charte de l’énergie ne les y encouragera pas davantage. Dès lors, financer une nouvelle centrale conduira immanquablement à verrouiller ces actifs carbonés ce qui va à l’encontre de la qualification d’activité de transition. Enfin, en maquant de clarté ou en revisitant la raison d’être du règlement taxonomie, les exigences liées à l’activité gazière venant en remplacement d’une centrale à charbon ou au fioul laissent présager une lecture a minima, défavorable au déploiement des énergies renouvelables, voire susceptible d’enfermer les investisseurs dans la fausse croyance que leurs investissements contribuent à l’atténuation du changement climatique, alors qu’il n’en est rien.
Mots-Clés : Energie – Questions sectorielles – Gaz -Taxonomie verte – finance durable – Energie – Questions sectorielles – Nucléaire – Taxonomie verte – finance durable
JurisClasseur : Environnement et Développement durable, fasc. 2810
1. IPPC, Working Group III (WG III), Contribution to the IPCC’s Sixth Assessment Report (AR6), Summary for policy makers, April 2022, E.5.1, p. 62.
2. Doc. COM (2020) 21 final, 14 janv. 2020, Plan d’investissement du Pacte Vert pour l’Europe, p. 27
3. V. Fromentin, Le Pacte vert et la finance durable : disponible en ligne à l’adresse : https://efnum.cnrs.fr/846-2/
4. Doc. COM (2018) 97 final, 8 mars 2018, Plan d’action : financer la croissance durable.
5. « La Banque centrale européenne présente un plan d’action visant à inscrire les questions liées au changement climatique dans sa stratégie de politique monétaire », communiqué de presse, 8 juill. 2021, disponible en ligne à l’adresse www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2021/html/ecb.pr210708_1~f104919225.fr.html./
6. Collectif de 17 ONG, Climate Roadmap : now what ? Next steps for the ECB to support the low-carbon transition, 6 avr. 22, disponible en ligne à l’adresse : www.positivemoney.eu/wp-content/uploads/2022/04/Climate-Roadmapnow-what_.pdf.
7. European Central Bank, Banking supervision, Macro-financial scenarios for the 2022 climate risk stress test, 27 janv. 2022. Disponible en ligne à l’adresse : www.bankingsupervision.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ssm.pr220127~bd20df4d3a.en.html.
8. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2020/852, 18 juin 2020, ci-après « règlement taxonomie » : JOUE n° L 198, 22 juin 2020, p. 13.
9. Platform on Sustainable Finance, « Response to the complementary delegated act », 21 janv. 2022, p. 3. Disponible en ligne à l’adresse : https ://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/220121-sustainable-finance-platform-responsetaxonomy-
complementary-delegated-act_en.pdf.
10. Doc. COM (2022) 631 final, 9 mars 2022, règlement délégué (UE) 2022/1214 du 9 mars 2022 modifiant le règlement délégué (UE) 2021/2139 en ce qui concerne les activités économiques exercées dans certains secteurs de l’énergie et le règlement délégué (UE) 2021/2178 en ce qui concerne les informations à publier spécifiquement pour ces activités économiques
11. TFUE, art. 290.
12. S. Jessop et K. Abnett, Campaigners begin legal fight against EU green investment rules – documents : Reuters, 4 févr. 2022.
13. Nucléaire classé énergie durable : l’Autriche va porter plainte contre le label « vert » de l’UE : Le Parisien, 2 févr. 2022.
14. Sur cette question, V. généralement, S. Thiery, Les actes délégués en droit de l’Union européenne : éd. Larcier, 2020.
15. Le 30 mars 2022, la plateforme d’experts sur la finance durable créée par l’article 20 du règlement taxonomie a formulé ses recommandations relatives aux futurs critères d’examen techniques pour les 4 objectifs environnementaux restants. Le rapport est disponible en ligne à l’adresse : https://ec.europa.eu/info/files/220330-sustainable-finance-platform-finance-report-remaining-environmental-objectives-taxonomy_en.
16. Comm. UE, règl. délégué (UE) 2021/2139, 4 juin 2021 : JOUE n° L 442, 9 déc. 2021, p. 1.
17. Règl. taxonomie, art. 1.2(c).
18. Règl. taxonomie, art. 1.2(b).
19. V. par ex., A. Grandjean et J. Lefournier, L’illusion de la finance verte : éd. de l’atelier, 2021.
20. PE et Cons. UE, prop. de règlement sur les obligations vertes européennes : Doc. COM (2021) 391 final, 6 juill. 2021.
21. Acte délégué « climat », 3.7, L 442/49 et 50.
22. Acte délégué « climat », 3.8, L 442/51.
23. Acte délégué « climat », 6.5, L 442/105 et 106.
24. Acte délégué « climat », 3.8, L 442/51.
25. Prop. d’acte délégué complémentaire, 9 mars 2022. Ann. 1, 4.26, p. 1 et s.
26. Prop. d’acte délégué complémentaire, 9 mars 2022. Ann. 1, 4.27, p. 6 et s.
27. Prop. d’acte délégué complémentaire, 9 mars 2022. Ann. 1, 4.28, p. 11 et s.
28. Prop. d’acte délégué complémentaire, 9 mars 2022. Ann. 1, 4.26, 4.27, 4.28 1(c).
29. Prop. d’acte délégué complémentaire, 9 mars 2022. Ann. 1, 4.26, 4.27, 4.28 1(e).
30. Commission delegated regulation (EU) …/… of March 9th 2022. Annex 1, 4.26, 4.27, 4.28, 1(f) : « the Member State has a documented plan with detailed steps to have in operation, by 2050, a disposal facility for high-level radioactive waste », et en français : « l’État membre dispose d’un plan documenté indiquant en détail les étapes permettant de disposer, d’ici 2050, d’une installation de stockage de déchets radioactifs de haute activité ».
31. Dossier d’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique du centre de stockage Cigéo – Présentation non technique du centre de stockage Cigéo – 2021, p. 14-15, disponible en ligne : www.andra.fr/sites/default/files/2021-10/Pi%C3%A8ce-00-Pr%C3%A9sentation%20non-technique_0.pdf.
32. Pour une analyse critique des autres risques d’atteintes aux autres objectifs environnementaux : C. Lepage, Le dilemme du nucléaire et de la taxonomie européenne : Énergie – Env. – Infrastr. 2022, étude 1.
33. Prop. d’acte délégué complémentaire, 9 mars 2022. Ann, 1, 4.26, 4.27 et 4.26, DNSH, n° 4.
34. P. Mouterde, Déchets nucléaires : des parlementaires dénoncent une « défaillance démocratique grave » : Le Monde, 4 mars 2022.
35. S. Piednoir et T. Gassilloud, L’énergie nucléaire du futur et les conséquences de l’abandon du projet de réacteur nucléaire de 4e génération « Astrid » : Rapp. n° 758, OPECST, 8 juill. 2021. – N. Wakim, Nucléaire : la France abandonne la quatrième génération de réacteurs : Le Monde, 29 sept. 2019.
36. Lire la tribune du PDG d’Orano déclarant que l’industrie est « un précurseur de l’économie circulaire » : Ph. Knoche, L’industrie nucléaire recycle… et recycle de plus en plus ! : Usine Nouvelle, 25 sept. 2019.
37. B. Tonson, Entretien avec Gérard Mourou . The Conversation, 4 oct. 2018, p. 13-16.
38. L. Radisson, La valorisation de déchets faiblement radioactifs désormais possible . actu-environnement, 15 févr. 2022, n° 423 et les décrets n° 2022-174, relatif à la mise en œuvre d’opérations de valorisation de substances faiblement radioactives, et 2022-175, relatif aux substances radioactives éligibles aux opérations de valorisation mentionnées à l’article R. 1333-6-1 du Code de la santé publique.
39. V. sur cette question, G.-J. Martin, De quoi et jusqu’à quand sommes-nous responsables ? : Conférence de citoyens, Débat public Cigéo, CNDP, 2e WE de formation, 12 janv. 2014, disponible en ligne à l’adresse : www.dailymotion.com/video/x1di5bw.
40. Direction générale du trésor. Nouveau nucléaire français – restitution des travaux du GT financement, régulation et portage – juill. 2020. 1er sept. 2020. Reporterre.net. Disponible en ligne : https://reporterre.net/IMG/pdf/edf_gt_fct_nv_nuke_1_.pdf.
41. Lire par ex., A. Pécout, Combien coûteront les futurs réacteurs nucléaires promis par Emmanuel Macron, et comment les financer ? : Le Monde, 11 févr. 2022. – S. Davesne et J. Grelier, Le casse-tête du financement du nouveau nucléaire : Usine Nouvelle, déc. 2021, p. 130, n° 3700.
42. RTE fait ses premiers pas sur le marché des obligations vertes : Les Echos, 11 janv. 2022, p. 22.
43. Avis JDP, n° 386/15, Fournisseur d’énergie – Plainte partiellement fondée, 5 janv. 2016.
44. Avis JDP, n° 625/20, Orano – Presse – Internet – Plaintes fondées, 4 mai 2020.
45. Avis JDP, n° 746/21, EDF – Internet – Plainte partiellement fondée, 9 août 2021.
46. Avis JDP, n° 420/16, EDF centrale – Plainte partiellement fondée, 18 oct. 2016.
47. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.29.
48. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.30.
49. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.31.
50. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.29, 4.30 et 4.31, 1(a).
51. Platform on Sustainable Finance, « Response to the complementary delegated act », 21 janv. 2022, p. 3. Disponible en ligne à l’adresse :https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/220121-sustainable-finance-platform-response-taxonomy-complementary-delegated-act_en.pdf. – Reclaim Finance, Synthèse et analyse de l’acte délégué du 2 février 2022 – atténuation du changement climatique : disponible en ligne à l’adresse : https://reclaimfinance.org/site/wp-content/uploads/2022/02/Analyse-et-synthese-crtieres-techniques-DA-taxonomie-2-fevrier-2022-RF.pdf.
52. Rapp. d’évaluation du GIEC n° 5, Contribution du Groupe de travail I – Résumé à l’intention des décideurs – (RE5 – RID/AR5 – SFP), 2013. – Lire également, B. Laponche et B. Dessus, Forçage radiatif et PRG du méthane dans le rapport AR5 du GIEC : 7 mai 2014, disponible en ligne à l’adresse : www.global-chance.org/IMG/pdf/gc35p64-74.pdf.
53. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.29, 4.30, 4.31, 1(b).
54. V. not., Cons. UE, déc. (UE) 2016/1841, 5 oct. 2016, relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, de l’accord de Paris adopté au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques : JOUE n° L 282, 19 oct. 2016, p. 1. – PE et Cons. UE, règl. (UE) 2018/842, 30 mai 2018, relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013, ou encore Regulation (EU) 2021/1119 of the European Parliament and of the Council of 30 June 2021 establishing the framework for achieving climate neutrality and amending Regulations (EC) n° 401/2009 and (EU) 2018/1999 (« European Climate Law ») : JOUE n° L 243, 9 juill. 2021, p. 1.
55. A Clean Planet for all : A European strategic long-term vision for a prosperous, modern, competitive and climate neutral economy : Doc. COM (2018) 773 final, 28 nov., 2018. – Ou encore The European Green Deal : Doc. COM (2019) 640 final, 11 déc. 2019, sect. 2.1.1.
56. V. not., Platform on Sustainable Finance, préc., pt 3.3, p. 30 (uniquement pour l’activité 4.29).
57. P. Canal, Club cogénération de l’Association technique énergie environnement (ATEE), « Point sur la cogénération gaz », nov. 2018, p. 7 (estimé entre 215 et 250 g CO2 éq. kWh). V. également, European Environmental Bureau, Reference environmental standards for energy techniques (RESET) : Guidance, oct. 2021, p. 53 (estimé à 210 g CO2 éq. kWh). Disponible en ligne à l’adresse : https://eeb.org/wp-content/uploads/2021/10/RESET_Guidance.pdf.
58. EIB Group Climate Bank, Roadmap 2021-2025, nov. 2020, p. 47, pt 4.21 (estimé à 250 g CO2 éq. kWh).
59. Not. avec le programme InvestEU, V. Doc. COM (2020) 21 final, 14 janv. 2020, plan d’investissement du Pacte Vert pour l’Europe, p. 4 et s.
60. IEA, Review of EU Energy Policies, 2020, p. 54 et s.
61. Acte délégué complémentaire, Ann. 1, activité 4.29, pt 1(b).
62. https://jancovici.com/transition-energetique/electricite/quel-est-le-vrai-cout-de-lelectricite/.
63. Le concept d’actifs échoués (en anglais « stranded assets ») désigne les investissements et crédits victimes d’une dépréciation due à une décision politique ou à un changement de législation (mise en place d’un prix du carbone, réglementation interdisant les émissions au-delà d’un certain seuil, abandon d’une source d’énergie, etc.). V. not., G. Dauvergne, Faut-il avoir peur des actifs échoués ? : Option fin. 2 nov. 2021.
64. Traité sur la charte de l’énergie, art. 13.
65. C. Alvarez, Cinq entreprises de l’énergie réclament près de 4 milliards d’euros à des États européens pour leurs politiques climatiques : Novethic, 4 avr. 2022.
66. CJUE, 2 sept. 2021, aff. C-741/19, République de Moldavie c/ Komstroy LLC, § 66.
67. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.29, 4.30 et 4.31, 1(b)iii.
68. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.29, 4.30 et 4.31, 1(b)ii.
69. IRENA, Renewable Power Generation Costs in 2020, juin 2021. Disponible en ligne à l’adresse : https://irena.org/publications/2021/Jun/Renewable-Power-Costs-in-2020#inbox/_blank, p. 3 et M. Combes, Les ENR de plus en plus compétitives pour remplacer le charbon : Techniques de l’ingénieur, 25 juin 2021.
70. Prop. d’acte délégué complémentaire. Ann. 1, 4.29, 1(b)v.
71. R. Knaebel, Spéculation et accaparement de terres : les dérives de la production du « gaz vert » : Basta media, 26 févr. 2020, disponible en ligne à l’adresse : https://basta.media/derives-methanisation-Allemagne-monocultures-mais-speculation-biogaz.
72. Fraunhofer IEE, The limitations of hydrogen blending in the European gas grid, 1er janv. 2022, disponible en ligne à l’adresse : www.iee.fraunhofer.de/content/dam/iee/energiesystemtechnik/en/documents/Studies-Reports/FINAL_FraunhoferIEE_ShortStudy_H2_Blending_EU_ECF_Jan22.pdf.
73. The Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC), IIGCC publishes open letter calling for gas to be excluded from the EU Taxonomy, 12 janv. 2022.
74. Platform on sustainable finance, Public Consultation Report on Taxonomy extension options linked to environmental objectives, juill. 2021, disponible à l’adresse :https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/sustainable-finance-platform-report-taxonomy-extension-july2021_en.pdf.